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Décision du juge aux affaires familiales du TGI de BORDEAUX du 29 février 2019

LA MÉDIATION FAMILIALE OBLIGATOIRE DOIT AVOIR LIEU AVANT LA SAISINE DU JUGE AUX AFFAIRES FAMILIALES

L’article 7 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXIe siècle prévoit qu’à peine d'irrecevabilité que le juge aux affaires familiales peut soulever d'office, la saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d'une tentative de médiation familiale.


Cette nouveauté est instituée à titre expérimental et jusqu'au 31 décembre 2019.


Elle concerne les décisions à modifier ou à compléter qui fixent les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant (Pension alimentaire) ainsi que les stipulations contenues dans une convention homologuée.


Elle s’applique donc uniquement lorsqu’une décision du juge aux affaires familiales a déjà été rendue entre les parents pour régler une séparation ou un divorce.


Cette décision ne pourra être modifiée ou complétée qu’après une tentative de médiation familiale.


Cette expérimentation s’applique dans les tribunaux de grande instance de Bayonne, Bordeaux, Cherbourg-en-Cotentin, Evry, Montpellier, Nantes, Nîmes, Pontoise, Rennes, Saint-Denis de la Réunion et Tours.


Le législateur a prévu que le parent qui saisit le juge est dispensé de tentative de médiation avant de saisir le juge dans trois situations :

1° Si la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l'homologation d’un accord


2° Si l'absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime (éloignement géographique des parents, urgence absolue en cas d’éloignement imminent d’un parent etc..) ;

3° Si des violences ont été commises par l'un des parents sur l'autre parent ou sur l'enfant.


Dès lors, il en résulte que de simples échanges entre les parents actant leur désaccord ne suffit pas à se dispenser de médiation avec un professionnel sous prétexte que la médiation n’aurait aucune chance d’aboutir.


Elle doit être tentée.


De même et surtout, une tentative de médiation ne se régularise pas entre la saisine du juge (requête ou assignation) et l’audience devant le juge.


Elle doit impérativement avoir lieu avant la saisine du juge.


Cette décision est logique dans la mesure où l’acte introductif d’instance comporte souvent des motivations qui rendent impossible une médiation dans des conditions sereines.


À défaut de tenter une médiation, le juge peut d’office ou à la demande du défendeur déclarer la demande irrecevable.


C’est dans ce sens que le juge aux affaires familiales du tribunal de Grande instance de Bordeaux a tranché le litige qui opposait les parents de trois enfants divorcés de longue date dans un jugement du 26 février 2019.


L’ex-épouse (et mère des enfants) a saisi le juge aux affaires familiales afin de porter la pension alimentaire due au titre de la contribution à l’entretien et à l’éducation des enfants par le père de 600 euros à 900 euros par mois.


En effet, après avoir déposé sa requête auprès du greffe du tribunal de Grande instance et dans l’attente de l’audience, la mère a tenté de régulariser le défaut de tentative de médiation familiale en prenant attache auprès d’un organisme de médiation.


Le père s’est présenté à la tentative de médiation pour indiquer qu’il refusait cette tentative sur les conseils de son avocat au motif qu’elle intervenait tardivement puisque la requête avait d’ores et déjà été déposée devant le juge.


C’est cet argument qui été soulevé en défense devant le juge aux affaires familiales lors de l’audience pour soulever l’irrecevabilité de la demande de la mère.


Le juge aux affaires familiales a suivi cette argumentation et surtout à la lettre le texte de la loi pour déclarer irrecevable la demande de la mère ainsi qu’il résulte des extraits ci-après reproduits.


La vigilance est donc de mise avant de saisir le juge aux affaires familiales.


Extrait des conclusions de Me CHRETIEN :


(…)

Sur l’irrecevabilité de la demande :


Il résulte des dispositions de l’article 7 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXIe siècle que :


A titre expérimental et jusqu'au 31 décembre de la troisième année suivant celle de la promulgation de la présente loi, dans les tribunaux de grande instance désignés par un arrêté du garde des sceaux, ministre de la justice, les dispositions suivantes sont applicables, par dérogation à l'article 373-2-13 du code civil.

Les décisions fixant les modalités de l'exercice de l'autorité parentale ou la contribution à l'entretien et à l'éducation de l'enfant ainsi que les stipulations contenues dans la convention homologuée peuvent être modifiées ou complétées à tout moment par le juge, à la demande du ou des parents ou du ministère public, qui peut lui-même être saisi par un tiers, parent ou non.

A peine d'irrecevabilité que le juge peut soulever d'office, la saisine du juge par le ou les parents doit être précédée d'une tentative de médiation familiale, sauf :

1° Si la demande émane conjointement des deux parents afin de solliciter l'homologation d'une convention selon les modalités fixées à l'article 373-2-7 du code civil ;

2° Si l'absence de recours à la médiation est justifiée par un motif légitime ;

3° Si des violences ont été commises par l'un des parents sur l'autre parent ou sur l'enfant.


L’article 1er de l’arrêté du 16 mars 2017 désignant les juridictions habilitées à expérimenter la tentative de médiation préalable obligatoire à la saisine du juge en matière familiale inclut le Tribunal de Grande Instance de Bordeaux.


En l’espèce, force est de constater que Madame C. a saisi la juridiction de céans avant d’avoir procédé à une tentative de médiation familiale au mépris des dispositions de l’article 7 de la loi du 18 novembre 2016 de modernisation de la justice au XXIe siècle susvisé.


Le seul fait d’avoir tenter d’amorcer une médiation familiale après la saisine du Juge ne régularise pas la procédure qui prévoit explicitement que la tentative de médiation doit précéder la saisine du Juge.


Sa demande sera jugée purement et simplement irrecevable.



Extrait du jugement rendu le 26 février 2019 par le Juge aux affaires familiales du Tribunal de Grande Instance de Bordeaux :


(…)


Il résulte de l’article sept de la loi du 18 novembre 2016 instituant à titre expérimental une tentative de médiation familiale préalable obligatoire que le demandeur doit tenter de recourir à une médiation familiale avant de saisir le juge a peine d’irrecevabilité.

En l’espèce, il n’est pas contesté que Madame C ait saisi le juge avant d’avoir engagé une tentative de médiation.

En conséquence, sa demande sera déclarée irrecevable.


PAR CES MOTIFS :


(…), juge aux affaires familiales, statuant par décision contradictoire et en premier ressort,


Déclare irrecevable la demande en augmentation de pension alimentaire formée par Madame C.


Laisse les dépens à la charge de la demanderesse.



Alexandre CHRETIEN

Avocat


Rédigé à Bordeaux, le 10 avril 2019



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