De l'obligation d'entretien entre ascendants et descendants
- Alexandre CHRETIEN
- 16 juil. 2015
- 3 min de lecture
« Il n'existe à ma connaissance qu'une seule obligation qui ne s'impose pas par suite d'une convention, mais bien par le simple effet d'un certain acte : et la raison en est que celui envers qui on la prend n'existait pas encore au moment où on l'a prise : c'est à savoir celle qu'ont les parents envers leurs enfants. Celui qui appelle un enfant à la vie a le devoir de l'entretenir,
jusqu'au moment où l'enfant peut se suffire à lui-même : et si ce moment ne doit arriver jamais, comme c'est le cas pour les aveugles, les infirmes, les crétins, etc., alors le devoir non plus ne s'éteint jamais. Car en s'abstenant de porter secours à l'enfant, par cette seule omission, celui qui l'a créé lui ferait tort, bien plus, le perdrait.
Le devoir moral des enfants envers leurs parents est loin d'être aussi immédiat, aussi précis. Voici sur quoi il repose : comme tout devoir crée un droit, il faut que les parents aient un droit sur leurs enfants : ce droit impose aux enfants le devoir de l'obéissance, devoir qui plus tard s'éteint avec le droit d'où il était né ; à la place succède la reconnaissance pour tout ce que les parents ont pu faire au-delà de leur stricte obligation. Toutefois, si haïssable, si révoltante même que soit bien souvent l'ingratitude, la reconnaissance n'est pas un devoir : car qui la néglige ne porte pas tort à autrui, donc ne lui fait pas injustice. Sinon il faudrait dire que le bienfaiteur, au fond de lui-même, avait pensé faire une affaire ».
Dans cet extrait du fondement de la morale, Arthur Schopenhauer circonscrit son propos au droit naturel qui préside aux obligations entre les parents et leurs enfants.
Le droit positif français va bien plus loin en ajoutant à l’obligation naturelle des premiers d’entretenir les seconds, une obligation légale et réciproque d’entretien entre tous les ascendants et descendants au-delà même des seules relations parents-enfants.
L’article 203 du Code civil dispose à ce titre que :
Les époux contractent, par le seul fait du mariage, l’obligation de nourrir, entretenir et élever leurs enfants.
C’est l’article 371-2 du même code qui généralise l’obligation d’entretien des parents à l’égard de leurs enfants, qui s’impose quand bien même ils ne seraient pas mariés.
Chacun des parents contribue à l’entretien et à l’éducation des enfants à proportion de ses ressources, de celles de l’autre parent, ainsi que des besoins de l’enfant.
Cette obligation ne cesse pas de plein droit lorsque l’enfant est majeur.
L’article 205 du Code civil prévoit la réciprocité entre ascendants et descendants.
Les enfants doivent des aliments à leurs pères et mères ou autres ascendants qui sont dans le besoin.
En des termes plus surprenant, l’article 206 élargit le champ de l’obligation en ces termes :
Les gendres et belles-filles doivent également, et dans les mêmes circonstances, des aliments à leur beau-père et belle-mère, mais cette obligation cesse lorsque celui des époux qui produisait l’affinité et les enfants issus de son union avec l’autre époux sont décédés.
Enfin, l’article 207 généralise l’obligation de réciprocité et prévoit une dérogation au principe.
Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques.
Néanmoins, quand le créancier aura lui-même manqué gravement à ses obligations envers le débiteur, le juge pourra décharger celui-ci de tout ou partie de la dette alimentaire.
Cette solidarité familiale qui le plus souvent se met en œuvre naturellement, dispose des outils légaux que nous venons de voir pour, le cas échéant, faire triompher cette obligation naturelle via une action en justice et venir ainsi pallier la solidarité nationale lorsque celle-ci ne peut garantir le minimum.
Dès lors que les bases légales sont posées et compte tenu de facteurs socio-économiques contemporains tels que l’augmentation de l’âge moyen d’entrée dans la vie active des jeunes adultes et leur aspiration naturelle à l’autonomie, le taux de chômage, l’augmentation de la durée de vie etc., tout est réuni pour qu’à l’avenir, l’activation de ces dispositions aille croissant.
C’est en tout cas ce que nous observons déjà dans le cadre de notre activité professionnelle, en étant régulièrement sollicités pour faire valoir cette solidarité de droit.
En la matière, la tentative de solutionnement amiable précède toujours la démarche contentieuse.
AC
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