L'intégration de systèmes de géolocalisation des véhicules utilisés par les VRP
- Alexandre CHRETIEN
- 17 juil. 2015
- 5 min de lecture
Le contrôle de l'activité d'un VRP par son employeur peut constituer une des préoccupations principales de ce dernier. La tentation existe alors de recourir à l'intégration d'un système de géolocalisation dans le véhicule utilisé par le VRP qui, par nature, est un salarié disposant d'une liberté de mouvement.
Si, le principe d'intégration de systèmes de géolocalisation des véhicules utilisés par les employés est admis par le législateur, il faut bien garder à l'esprit que cette possibilité est loin d'être inconditionnelle et mérite à ce titre un rapide tour d'horizon des grandes lignes directrices qui régissent cette question.
Selon l'article général (et de principe) L. 1121-1 du Code du travail, nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché.
L'intégration d'un système de géolocalisation constitue la mesure restrictive à la liberté individuelle du salarié par excellence de sorte qu'en tout état de cause et par application de cet article, elle ne peut se justifier que par la nature de la tâche à accomplir et être proportionnée au but recherché.
Mais c'est la loi n°78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée par la loi n° 2004-801 du 6 août 2004 qui apporte davantage de précisions sur le sujet.
Ainsi, l'article 2, prévoit que :
« 1° Les données sont collectées et traitées de manière loyale et licite ;
2° Elles sont collectées pour des finalités déterminées, explicites et légitimes (...) »
L'article 7 précise à ce titre que :
« Un traitement de données à caractère personnel doit avoir reçu le consentement de la personne concernée ou satisfaire à l'une des conditions suivantes :
1° Le respect d'une obligation légale incombant au responsable du traitement ;
2° La sauvegarde de la vie de la personne concernée ;
3° L'exécution d'une mission de service public dont est investi le responsable ou le destinataire du traitement;
4° L'exécution, soit d'un contrat auquel la personne concernée est partie, soit de mesures précontractuelles prises à la demande de celle-ci ;
5° La réalisation de l'intérêt légitime poursuivi par le responsable du traitement ou par le destinataire, sous réserve de ne pas méconnaître l'intérêt ou les droits et libertés fondamentaux de la personne concernée ».
Par ailleurs, l'article 11 4° de la loi 78-17 du 6 janvier 1978 dispose que la Commission Nationale Informatique et Libertés (CNIL) :"se tient informée de l'évolution des technologies de l'information et rend publique le cas échéant son appréciation des conséquences qui en résultent pour l'exercice des droits et libertés"[...] "Pour l'accomplissement de ses missions, la commission peut procéder par voie de recommandation".
C'est en usant de cette prérogative que le 16 mars 2006, la CNIL a adopté une recommandation visant à définir les conditions dans lesquelles la mise en œuvre de traitements de données tirées d'un système de géolocalisation n'était pas susceptible de porter atteinte à la liberté d'aller et venir anonymement et au droit à la vie privée, qui trouvent à s'appliquer dans le cadre professionnel (Recommandation n° 2006-066 du 16 mars 2006).
Elle indique que « (...) la Commission estime que la mise en œuvre de dispositifs de géolocalisation n'est admissible que dans le cadre des finalités suivantes :
- la sûreté ou la sécurité de l'employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge (travailleurs isolés, transports de fonds et de valeurs, etc.) ;
- une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, (interventions d'urgence, chauffeurs de taxis, flottes de dépannage, etc.) ;
- le suivi et la facturation d'une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d'une prestation de services directement liée à l'utilisation du véhicule (ramassage scolaire, nettoyage des accotements, déneigement routier, patrouilles de service sur le réseau routier, etc.);
- le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d'autres moyens.
En revanche, l'utilisation d'un système de géolocalisation ne saurait être justifiée lorsqu'un employé dispose d'une liberté dans l'organisation de ses déplacements (visiteurs médicaux, VRP, etc.) ».
Il convient de souligner le fait que ces recommandations n'ont a priori aucune valeur normative et ne créent donc aucune obligation.
Par ailleurs, la CNIL a adopté une norme contraignante destinée à simplifier la déclaration des traitements visant à géolocaliser le véhicule utilisé par les employés (Délibération n° 2006-067 du 16 mars 2006) et qui prévoit notamment que :
« Art. 2. − Finalités du traitement. Le traitement peut avoir tout ou partie des finalités suivantes :
a) Le respect d'une obligation légale ou réglementaire imposant la mise en œuvre d'un dispositif de géolocalisation en raison du type de transport ou de la nature des biens transportés ;
b) Le suivi et la facturation d'une prestation de transport de personnes ou de marchandises ou d'une prestation de services directement liée à l'utilisation du véhicule ;
c) La sûreté ou la sécurité de l'employé lui-même ou des marchandises ou véhicules dont il a la charge ;
d) Une meilleure allocation des moyens pour des prestations à accomplir en des lieux dispersés, notamment pour des interventions d'urgence.
Le traitement peut avoir pour finalité accessoire le suivi du temps de travail, lorsque ce suivi ne peut être réalisé par d'autres moyens.
Ainsi, lorsque l'employeur peut enquêter auprès des clients que le salarié était censé visiter, il dispose d'un moyen de contrôle suffisant, ce qui exclut l'utilisation de la géolocalisation à cette fin. En utilisant les données du système de géolocalisation pour fonder le licenciement de son VRP, il encourt alors la sanction de l'illicéité de la preuve.
Et à défaut d'autres éléments de preuve, le licenciement se trouverait dépourvu de cause réelle.
En revanche, on peut envisager qu'un employeur qui laisse la totale liberté à son salarié d'organiser ses visites et ne peut à ce titre enquêter efficacement sur l'activité réelle de son salarié (aucune visite prédéfinie de clients) puisse utiliser, à titre accessoire, les données du système de géolocalisation pour prouver la défaillance du salarié.
En résumé, pour être régulier, un système de géolocalisation doit :
- Etre déclaré auprès de la CNIL,
- Etre porté à la connaissance du salarié
- Ne pas être utilisé par l'employeur pour d'autres finalités que celles qui ont été déclarées auprès de la Commission nationale de l'informatique et des libertés
- S'agissant d'un VRP, ne pas viser principalement à assurer le contrôle de la durée du temps de travail du salarié.
Pour s'en prévaloir utilement devant une juridiction à l'appui du licenciement d'un VRP, le système de géolocalisation doit en plus constituer l'unique moyen de contrôler le temps de travail du VRP.
AC
17 avril 2013
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